Boko Haram : des femmes témoignent
CAMEROUN :: SOCIETE

CAMEROUN :: Boko Haram : des femmes témoignent :: CAMEROON

Fonctionnaires, enseignantes, animatrices, membres de la société civile ou autres, des femmes confient leur vie dans l'insécurité de l’extrême nord.

Madame Beshaye, épouse Kelevet Nguezayé, animatrice pédagogique : "Les sorties sont limitées même en journée"
"Dans le Mayo-Tsanaga, région de l’extrême nord du Cameroun, la situation d’insécurité est inquiétante. En tant qu’éducatrice, il y a la peur d’aller dans les écoles et on vit dans une crainte permanente. Il suffit d’un petit bruit pour que tout le monde soit ébranlé. Beaucoup de familles sont plongées dans la famine et la malnutrition. Il y a lieu d’être dépaysé dans cette situation et le cœur bat à tout moment. En tant que mère et épouse, le salaire, dans les conditions d’insécurité, ne nous permet plus de vivre aisément comme avant. La vie est devenue très chère et, sur le marché, on ne trouve plus nos habitudes alimentaires. Je suis stressée et ne peux plus manger normalement quand on pense et voit les autres sans abri. Je conseille aux enfants de ne pas approcher les inconnus et de ne pas recevoir n’importe qui à la maison. Les sorties sont limitées même en journée. À l’école, qu’ils écoutent plus et parlent peu. Nous prions Allah tous les jours pour que cesse cette situation insupportable."

Madame Viché, née Batouré Matakone, adjointe au maire de Mokolo, canton de Matakam-Sud : "Tous les jours, on vit des scènes terribles."
"Toutes nos activités tournent au ralenti. Causé par cette secte terroriste dont seulement son évocation inspire le plus profond dégoût. Cette nébuleuse aux pratiques moyenâgeuses a semé la psychose et une peur au sein de la population. Tous les jours, on vit des scènes terribles avec des mouvements des réfugiés nigérians qui transitent par la ville de Mokolo en direction de la ville nigériane de Yola ou pour le camp de réfugiés de Minawao, de même pour les déplacés camerounais, tous à la recherche des refuges".

Madame Pichaye Madeleine, épouse Ngabaya, présidente de l’association camerounaise de la femme, de la fille, de l’enfant en détresse et des minorités (OCFED) : "Touchée de voir nos jeunes enfants enrôlés dans la secte Boko Haram."
"En tant que femme, je suis touchée de voir nos enfants enrôlés dans la secte Boko Haram. Cela me fait mal de voir les mouvements des femmes et enfants en détresse fuyant la guerre. Je me mets à leur place pour imaginer ce qu’ils ressentent en ce moment avec le froid et les risques de maladies. Je sensibilise tout le monde afin de mettre en garde les enfants de ne pas suivre les personnes inconnues. Dans notre organisation, nous avons organisé plusieurs séances de sensibilisation invitant les populations à une prise de conscience pour une grande mobilisation autour des pouvoirs publics dans cette lutte contre cette secte Boko Haram."

Madame Vazda Jzanine, présidente de l'Association pour le progrès des attitudes maternelles (APAM) : "Cinq femmes enceintes ont accouché à l'air libre"
"Les activités socioéconomiques connaissent un coup dur. Les paysans ont du mal à récolter des champs. De fait, des mesures de restriction et d'interdiction de circuler à moto dans les zones rurales et la peur pour ceux en zones frontalières. Les populations traversent une période difficile. Non seulement, elles vivent dans une psychose, la famine plane sur le département alors qu'on dénombre beaucoup des déplacés camerounais des zones frontalières installés dans les familles des proches et connaissances à l'intérieur. C’est angoissant et même traumatisant, cette situation que nous vivons en ce moment. J'ai les larmes aux yeux lorsque j'observe les femmes enceintes porter deux à trois enfants, bravant tous les aléas climatiques tels que le froid. Ces femmes et enfants passent des nuits sous l'arbre et à l'air libre. Je me rappelle ce triste souvenir : plus de cinq femmes enceintes ont accouché une nuit à l'air libre à l'esplanade de la sous-préfecture de Mokolo, au milieu des milliers de réfugiés nigérians sous le froid, sans assistance. Même lorsque je leur ai apporté un peu de bouillie et de vieux habits, on ne savait qui servir et à qui laisser."

Madame Hadja Oummalassanan Talba, épouse Salihou, déléguée départementale du Mayo-Tsanga, ministère du Commerce : "Il y a des échoppes fermées"
"L’arrêt des trafics qui jadis meublaient les activités commerciales à l’exportation et à l’importation permettaient d’achalander tous nos espaces commerciaux. À ce jour, plusieurs trafiquants et jeunes transporteurs se trouvent sans emploi. Il y a des échoppes fermées. La rareté des produits manufacturés, la destruction des cultures et vols des bétails par ces ennemis pendant leurs incursions ont engendré la rareté et la hausse des prix des produits de première nécessité et de consommation courante de masse dans nos marchés. À notre niveau, nous nous sommes donné comme objectif  de sensibiliser la population, et surtout les femmes et les enfants, à dénoncer  toute présence suspecte, tout acte non réglementaire posé par des individus mal intentionnés, à sensibiliser et à encadrer les jeunes à poser des actes citoyens et responsables."

© afrique.lepoint.fr : Nestor Nga Etoga

Lire aussi dans la rubrique SOCIETE

Les + récents

partenaire

Vidéo de la semaine

évènement

Vidéo


L'actualité en vidéo