Guerre contre Boko Haram : Les journalistes entre deux feux
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Face aux attaques terroristes, les chevaliers de la plume hésitent entre le devoir d’informer et la retenue patriotique.

La semaine dernière, le journal Mutations a pris la décision de ne pas relayer les informations contenues dans la vidéo du chef de la secte islamiste, Boko Haram. Un choix éditorial qui tranche avec d’autres quotidiens locaux qui ont rapporté les propos de Abubakar Shekahau. « Nous avons pour principe de ne pas être un relai amplificateur pour des terroristes. Nous pensons qu’il ne faut pas souffler sur la braise », explique Georges Alain Boyomo, rédacteur en chef du journal Mutations. Ce dernier soutient par ailleurs que « toute vérité n’est pas bonne à dire ». Une assertion que rejette vivement Denis Nkwebo, journaliste et rédacteur en chef adjoint du quotidien Le Jour. Il soutient qu’en relayant uniquement les faits et rien que les faits, le journaliste se met à l’abri de tout parti pris et donc de toute entrave à la déontologie journalistique.

« Le journaliste a un rapport étroit avec les faits et non avec la vérité ! Il y a des journalistes ici comme en Occident qui sont ouvertement en guerre  contre l’extrémisme et doivent en assumer les conséquences », souligne vigoureusement Denis Nkwebo. Il ponctue par ailleurs qu’en rapportant seulement les faits sans complaisance, le journaliste ne saurait être en situation de « déligérence » et fait preuve de froideur quant au traitement de l’information, quelle qu’elle soit. Denis Nkwebo en profite pour marteler qu’en prenant le parti de la provocation, les caricaturistes de l’hebdomadaire Charlie Hebdo étaient en dehors de « tout professionnalisme ». « Ce qui, bien évidemment, ne justifie en aucun cas, l’attaque dont ils ont été victimes », insiste-t-il. Pour Guibaï Gatama, directeur de publication du bihebdomadaire L’Œil du sahel, les faits sont sacrés mais à quelques mots près.  

Taxi

« Très souvent, les terroristes assassinent sauvagement les populations du Nord. Certains sont égorgés, entre autres formes barbarie. Mais à chaque fois, nous minorons l’horreur en optant par exemple pour le mot « Tués» au lieu de « égorgés. Nous jouons la carte de l’atténuation, sans toutefois occulter les faits vrais et vérifiables», renseigne Guibai Gatama. Rappelant que le Cameroun n’a pas la culture de la guerre, Le Dp de L’Œil du sahel souligne que sa rédaction veille à ne pas créer la psychose auprès de son lectorat. En ce sens, il rejoint le rédacteur en chef de Mutations en ce qu’il insiste sur la responsabilité du journaliste en période de menace terroriste. « Dans un contexte médiatique où les positions ou les titrailles de Mutations sont analysées et disséquées, autant par nos confrères que le grand public, nous devons être dans la retenue en évitant aussi de tomber dans le suivisme », tranche Georges Alain Boyomo.

Et cette autocensure n’est visiblement pas sans conséquence. « Les médias locaux font de la rétention de l’information, juge un conducteur de taxi, rencontré hier à Yaoundé. Lorsque je veux des informations fiables sur ce qui se passe réellement au Nord et les attaques de Boko Haram, je me connecte sur Rfi, entre autres médias internationaux. Hier par exemple, Alain Foka (journaliste à Rfi) a posé des questions pertinentes au président gabonais Ali Bongo. Des questions que beaucoup de journalistes n’oseraient sûrement pas posé sous les tropiques », ponctue le quadragénaire au volant de sa voiture.

© Source : Mutations

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