Bilan Afrique 2014 : la bonne année panafricaniste du CRESPOL
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Quelles ont été les carences de l’Afrique en 2014 sur le plan panafricain et mondial ? Quels sont les grands chantiers à ouvrir pour y remédier ? L’Afrique est-elle capable de mieux dans les années à venir ? Le CRESPOL répond à ces questions en guise de bonne année !

Il est de coutume, et 2015 ne déroge aucunement à cette règle, de souhaiter tous nos meilleurs vœux à nos proches, parents et amis en espérant que les dieux nous écoutent, nous soient favorables et transforment nos vœux en réalités. Cette stratégie est du domaine des bons sentiments, de la foi et de l’espoir que demain sera mieux qu’hier uniquement parce que nous le souhaitons. Les secrets des dieux étant cependant uniquement du domaine des charismatiques, des prophètes et des hérauts, une autre façon de souhaiter la bonne année se veut plus réaliste, elle invite à prendre son destin en main. Elle mise sur le fait que certaines choses dépendent de nous et ne peuvent s’améliorer que si nous tirions les leçons du passé et mettions en place ce qu’il faut pour changer de destin. Le CRESPOL, Cercle de Réflexions Economiques, Sociales et Politiques choisit cette deuxième stratégie d’autant plus indiquée qu’il adresse ses vœux panafricanistes au continent africain. Cela implique un léger bilan 2014 de l’Afrique. Petite photographie instantanée et critique du continent noir en 2014 afin d’esquisser des prospectives informées. Quelles ont été les carences de l’Afrique en 2014 sur le plan panafricain et mondial ? Quels sont les grands chantiers à ouvrir pour y remédier ? L’Afrique est-elle capable de mieux dans les années à venir ?

1. Qui veut la paix prépare la guerre : l’Afrique est toujours incapable de jouer au gendarme en Afrique

Plus que par le passé, 2014 a confirmé que le continent noir n’est encore indépendant que de façon purement théorique. En dehors de la dépendance juridique qui fait de nombreuses lois subsahariennes des excroissances des lois métropolitaines, en dehors de la dépendance monétaire encore une réalité dans une grande partie du continent liée au FCFA, 2014 a confirmé que l’Afrique reste, cinquante après la décolonisation, incapable de jouer au gendarme chez elle. Si, comme Idriss Deby le dit sans ambages le but des Occidentaux en Lybie était de tuer Mouammar Kadhafi, il n’est pas superflu de signaler que l’OTAN a encore l’occasion de bombarder des pays africains au 21ème siècle parce que l’Afrique n’a pas une force de frappe capable de maintenir la sécurité du continent et de faire peur à celles de ses anciennes colonies qui ne respectent pas sa souveraineté. L’Afrique doit avoir une force panafricaine digne de ce nom car on ne se fait respecter dans les relations interétatiques que si on est capable de faire peur par sa puissance de frappe. Si la Lybie avait eu l’arme nucléaire l’OTAN n’y serait jamais intervenu. Mêmement pour l’Ukraine où la Russie ne serait jamais allée si ce pays avait eu une arme dissuasive.

Max Weber l’enseigne et la sociogenèse des Etats le prouve, l’édification d’Etats et même leurs conditions d’existence et de souveraineté dépendent depuis toujours de leur capacité à infliger la violence de façon légitime tant à leurs propres citoyens quand il le faut, qu’aux forces exogènes qui menacent leur stabilité. Par conséquent, incapable de faire la guerre face à des groupuscules terroristes, la question s’est posée, au regard de la déroute du Mali et de la Centrafrique en 2014, si les pays africains étaient véritablement des Etats. A ce niveau il est primordial, malgré la mise en place de l’Architecture Africaine de Paix et de Sécurité, de signaler que le compte n’y est toujours pas. La logistique de la Force Africaine en Attente, la qualité de ses troupes, les rapports entre les communautés économiques régionales et la capacité africaine d’intervention rapide sont encore extrêmement médiocres. La preuve en est qu’au Mali et en Centrafrique les forces françaises ont été sur le terrain des opérations longtemps avant la force africaine. Le problème qui se pose et que doit impérativement résoudre l’Union Africaine est celui des ressources financières autonomes car l’Architecture Africaine de Paix et de Sécurité est largement dépendante des financements extérieurs, notamment de l’Union Européenne. Une armée financée, formée et entraînée par l’extérieur ne peut être garante de la sécurité d’un continent. Il faut des financements panafricains si l’Afrique veut jouer au gendarme en Afrique car c’est celui qui finance qui dicte les ordres, le timing et la stratégie de la politique sécuritaire.

Conjuguée aux spécialisations défaillantes à cause du retard technologique, la politique sécuritaire accuse d’autres retards en Afrique par rapport au surgissement des groupes terroristes. Très mobiles, bien armés, hyper entraînés et suffisamment déterminés, l’Afrique ne peut combattre efficacement la civilisation du sang et de la terreur incarnée par Boko Haram, Asar Dine, les Chebab, AQMI et les ramifications de l’Etat islamique que si ce continent investit de façon conséquente sur les outils modernes de géo-localisation, les forces d’élites et les outils comme les radars. Cela exige des projets panafricains de recherche scientifiques et militaires, l’acquisition de satellites pour contrôler l’information et la maîtrise des airs par les armées pour combattre à distance l’ennemi islamiste. Ces précautions ne réduiront certainement pas la menace à néant. Ils assureront cependant une capacité élevée de sécurité et de riposte face aux groupes terroristes. Se rendre compte en 2014 que l’armée nigériane, une plus puissante d’Afrique subsaharienne, se fait malmener par Boko Haram qui enlève des centaines de filles et occupe des villes entières, n’est pas rassurant pour le continent dans sa lutte contre le terrorisme.

Ces carences logistiques, financières et stratégiques de l’Architecture Africaine de Paix et de Sécurité entraînent une conséquence logique et inévitable : le renforcement de la présence française en Afrique subsaharienne. Une fois que les anciennes colonies n’arrivent pas à assurer la sécurité des personnes et des biens, la France dont les intérêts sont exposés par cette faillite de l’Etat africain postcolonial, réinvestit le continent et y renforce son contrôle. C’est en effet la France qui fait le job au Mali via l’opération Serval et en Centrafrique via l’Opération Sangaris. Bien sûr qu’elle supporte-là des coûts que les incuries des Etats africains entraînent dans ses finances publiques, mais elle en profite aussi pour renforcer son influence géopolitique. Un continent « protégé/contrôlé » par un autre pays ou un autre continent est en insécurité : c’est le cas de l’Afrique en 2014 au regard de la carte ci-dessous.

2. Le Virus Ebola : l’Afrique est encore incapable de se soigner elle-même

Ce n’est pas seulement faire le gendarme chez elle qui dépasse encore l’Afrique cinquante ans après les indépendances. C’est aussi l’acquisition d’une capacité à se soigner elle-même. Y remédier exige de penser la sécurité sociale globale à très long terme dans une Afrique où les dépenses affectées à celle-ci restent dérisoires comme l’indique le tableau 7.1 ci-dessous où l’Afrique subsaharienne occupe la queue du peloton :

Source: Global Extension of Social Security Database (2014)

Autrement dit, non seulement la sécurité au sens militaire du terme n’est pas garantie, mais aussi la sécurité humaine reste parmi les plus déplorables au monde. En dehors du Sida et du paludisme, cette deuxième maladie tuant en Afrique plus que le VIH, l’Afrique connait les effets dévastateurs du virus Ebola déjà depuis plusieurs années. Il est paradoxal, même si trouver un vaccin contre le VIH, le Virus Ebola et le paludisme n’est pas aisé, que des programmes de recherches panafricains sérieux n’existent pas par rapport à ces maladies qui déciment la force démographique du continent. Le but ici n’est pas de dire que les recherches ne se font pas ailleurs ou que la solidarité n’existe pas au niveau internationale, loin de nous une telle idée. Il est de signaler que c’est d’abord l’Afrique qui, au travers des programmes de recherches panafricains, doit initier des programmes de santé publique pour combattre les maladies qui frappent d’abord massivement les Africains. Les Occidentaux ne vont par exemple pas déployer de sérieux et constants efforts à trouver un vaccin contre le paludisme pratiquement inexistant chez eux.  La Charité bien ordonné commençant toujours par soi-même, la collaboration avec des centres de recherches extra-africains sur ces maladies doit s’appuyer sur une volonté panafricaine de premier plan. Que seraient aujourd’hui la Sierra Léone, la Guinée et le Liberia sans les recherches occidentales sur Ebola ? Que serait l’Afrique sans les recherches occidentales sur le VIH ? Que seraient les bidonvilles africains infestés de moustiques sans les recherches occidentales sur la malaria ? Aurait-on déploré un tel retard dans la prise en charge des malades d’Ebola si l’Afrique avait été capable de se soigner elle-même ? Aurait-on enregistré déjà près de 8000 morts et 20.381 cas dans les trois pays touchés si l’Union Africaine avait depuis longtemps pensé aux protocoles efficaces d’intervention : infection, période d’incubation, manifestation de la maladie, isolement du malade et soins ?

Autant de questions cruciales qui prouvent que dire bonne année 2015 aux Africains de demain revient à engager des programmes de recherches capables de permettre à l’Afrique de se soigner elle-même grâce à la mise en route de plusieurs dynamiques concomitantes de recherches scientifiques sur le VIH, le virus Ebola et le paludisme. Les scientifiques existent, seuls doivent suivre les financements et la volonté politique panafricaine.
 
Ce ne sont pourtant pas des capitaux qui manquent. Ce qui fait défaut c’est leur affectation optimale.  Tenter de capter sérieusement la problématique de l’inadéquation entre la richesse globale du continent africain et ses carences revient à mettre l’accent sur une question : où vont les capitaux africains ? Un rapport conjoint de la Banque Africaine de Développement et de Global Financial Integrity montre que de 1980 à 2009 l’Afrique a perdu l’équivalent de son produit intérieur brut, c'est-à-dire entre 1200 et 1400 milliards de $ vers l’extérieur et que « l’hémorragie illicite des ressources de l’Afrique représente près de quatre fois sa dette extérieur ». L’argent africain ne va donc pas où il devrait aller !

3. La croissance  africaine ne réduit pas la pauvreté de masse et ne produit pas d’emplois

Le chiffre phare de ces dernières années et désormais fétiche lorsqu’on évoque l’Afrique est 5%, son taux de croissance moyen depuis l’an 2000. Chiffre fétiche car il se mue en un argument lapidaire et passe-partout pour les intégristes de la croissance économique et de l’émergence économique dans un continent où un virus vient de décimer près de 8000 personnes en quelques mois ! Comme toute valeur moyenne, ces 5% de croissance cachent non seulement de très grandes disparités entre les pays africains, mais aussi le fait qu’un indicateur métrique comme la croissance économique signifie très peu de chose sur l’amélioration réelle de la vie des gens dans des pays africains où parfois la vie quotidienne se fait ailleurs en dehors des indicateurs économiques officiels.
Il faut en outre signaler tant la fragilité de cette croissance largement dépendante des matières premières et des prix internationaux que ne contrôle aucun pays africain, que le fait que la prospérité qui en résulte est très inégalement répartie. La pauvreté de masse ne baisse presque pas, la création d’emplois est inexistante et les fruits de la prospérité n’atteignent nullement les populations africaines. Le graphique ci-dessous montre qu’en 2015 – en considérant que la projection est effective – près de 40 % d’Africains vivront toujours avec moins de 1,25 $ par jour.

Il en résulte que de nombreux jeunes africains quittent le continent pour d’autres cieux. Près de 4000 ont perdu la vie dans ce périple en 2014. L’Afrique a donc à réfléchir sur un arbitrage crucial pour son avenir entre dépenses militaires, dépenses sociales et répartition équitable des fruits de la croissance, notamment par la création d’emplois pour ses populations dont 75 % des moyens de subsistance dépend encore de la production agricole. La théorie du ruissellement (trikle-down effect), c’est-à-dire la croyance qu’on les économistes libéraux que la richesse va dégouliner sur les pauvres une fois la mangeoire de la société pleine n’a jamais fonctionner nulle part sans politiques publiques de répartition de la richesse par transferts directs ou indirects.

4. Le processus démocratique africain cherche toujours des dirigeants démocrates

En 2014, le rêve rêvé par plusieurs Africains d’une Afrique démocratique reste assez loin des réalités politiques du continent. Le continent africain reste celui où la mort au pouvoir, le coup d’Etat et la succession héréditaire demeurent les principes de transition politique préférés des dirigeants par rapport au vote libre et transparent. L’Afrique reste un continent où les lois votées par les parlements semblent s’imposer uniquement aux peuples et pas à ceux qui les dirigent. La preuve en est que la limitation du nombre de mandats à la tête des Etats n’est respectée par aucun des dirigeants au pouvoir. Ils ne respectent pas eux-mêmes les lois mais veulent que les populations africaines soient leur antithèse en acceptant des lois constitutionnelles taillées sur mesure pour l’ivresse du pouvoir à vie. Notre Afrique souffre donc encore d’un grand mal, celui d’avoir une jeunesse qui crie à la démocratie face à des dirigeants non démocrates et plus enclins à conserver leurs privilèges qu’à placer leurs pays sur les rails de la liberté politique.

Le peuple africain garde heureusement une âme démocratique vivace via sa jeunesse. Le débarquement de Ben Ali et de Moubarak par la rue a fait des émules. La jeunesse du pays des hommes intègres a retenu la leçon et s’est séparée contre son sang d’un dictateur voulant s’agripper au pouvoir  en transformant pour une troisième fois la Constitution en paillasson. Les jeunes Burkinabè ont montré que l’Afrique de demain sera plus difficile à gouverner par des dictateurs que par des démocrates convaincus. Les pseudos légitimités de père de la nation, de pacificateur, de libérateur et de médiateur des conflits sont désormais obsolètes et sans aucun ancrage politique au sein d’une jeunesse africaine dont le poids démographique peut faire la décision politique à tout moment. Le CRESPOL soutient pour cela que l’âge du vote en Afrique soit fixé à 15 ans car les jeunes dominent démographiquement l’Afrique et leurs avis doivent légitimement dessiner l’avenir de ce continent. La jeunesse africaine a pris sa responsabilité politique, c’est sûrement-là le meilleur espoir 2014 de l’Afrique de demain.

Le CRESPOL souhaite une bonne et heureuse année panafricaniste à tous et à toutes.

© Correspondance : Thierry AMOUGOU, Fondateur et animateur du CRESPOL, Cercle de Réflexions Economiques, Sociales et Politiques. cercle_crespol@yahoo.be

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